Suite et fin de l’entrevue avec Ugo de Belcyne depuis l’hôpital de Ryykstadd, avec un long volet concernant le rapport de l’ancien magistrat avec la législation en cours, son regard sur les combats contre l’homophobie, la tentation du militantisme et du communautarisme, et un poignant témoignage sur sa propre expérience.
Le PM est un parti actif et progressiste, nul doute que derrière l’action de Ove Tokswyg et votre prochain retour, nous vous le souhaitons, se cachent une volonté de réinstaller le PM et plus globalement la gauche Havvyykers au centre des débats. Avez vous des projets en cours d’élaboration, de grandes lois en préparation?
Dès que j’ai pu, avec l’accord de l’équipe médicale, m’appliquer à relancer le mouvement politique, j’ai immédiatement demandé à Ove Tokswyg à consulter les membres du PGP pour mettre en branle avec lui la mise au norme de la loi sur le NorduryykAltFårtt datant de 2008 devenue obsolète suite aux modifications territoriales. Cet ancien projet, lui-même signé par le PGP, est en cours de remaniement et la nouvelle mouture sera prochainement présentée devant le Parlement Fédéral sous étiquette ProgrætžijgtãLijgkktSåmlýnn, notre rassemblement politique fédéral. C’est un projet qui me tient à cœur et j’espère qu’il fera consensus. Mais la PM est aussi très active à l’Assemblée Générale de Havvyyk où des projets PGP sur les nouvelles énergies, sur la création d’un Office de Tourisme élargi à la protection de la faune et la flore, sont en voie de réalisation. Grâce au retour de Sören Jorgensen ainsi que celui de la PopularrMövijmentzå, la Généralité de Havvyyk rompt avec l’inertie pour reprendre sa place de grande région active, dynamique et productive. Bien évidemment, d’autres projets intimement attachés à la philosophie de la PopularrMövijmentzå seront déposés au niveau fédéral comme la protection des homosexuels dans notre société et même si le « mariage pour tous » est depuis fort longtemps une réalité dans la Fédération, ils continuent à subir des violences, aussi bien physiques que morales, dans la sphère professionnelle par exemple, sans parler du rejet des familles face à l’homosexualité. C’est un thème qui compte pour moi et qui ne doit pas laisser nos concitoyens indifférents
Vous avez là de nobles espoirs, vous qui êtes il est vrai un homme politique, homosexuel assumé et militant, pensez vous que la protection des personnes gay implique, par exemple, un renforcement drastique des mesures pénales à l’encontre de l’homophobie, y compris dans le traitement des discours politiques? considérez vous qu’un meeting aux accents homophobes doivent être interdit, ou sanctionné, et si oui, cela ne rentrerait il pas en contradiction avec la constitution qui protège la liberté d’expression et d’opinion de chacun? Avec les notions d’égalité dans le traitement pénal et judiciaire. Quelle frontière sépare selon vous, le combat humaniste et le militantisme communautariste ?!
Lorsque j’ai assuré mes fonctions de 1er Magistrat, j’ai refusé à ce que le Haut Collège des Lois devienne une institution ternie par des positions et des opinions personnelles, les qualités d’un juge sont celles de rester neutre, juste, équitable et fidèle aux textes de lois. Il serait fort irrespectueux et surtout dangereux de mettre en avant ses convictions intimes dans les jugements prononcés et faire du Haut Collège des Lois une tribune personnelle et militante. D’ailleurs, lors de mes mandats, je n’ai au grand jamais fait condamner des partis politiques ou leurs représentants au seul motif qu’ils prônaient l’homophobie ou distillaient des propos homophobes dans leurs discours. J’aurais pu maintes fois saisir la Haute Cour pour sanctionner les Présidents du NSB et de la ÐL pour injure et incitation à la haine homophobe, je ne l’ai jamais fait car, comme vous le souligniez, je suis très attaché à la liberté de penser, et sanctionner des partis politiques car ils ne pensent pas comme vous serait trop facile. Mais les discours de ces partis sont très souvent sur le fil du rasoir, ils connaissent pertinemment les limites à ne pas dépasser, ils sont loin d’être stupides. Par contre, ce qui est dangereux, ce sont les échos de leurs discours dans la population et c’est là que l’on constate les dégâts : actes de vandalisme, violences, menaces, intimidations et harcèlements à l’encontre de la population homosexuelle et transgenre. Certains citoyens, certains groupes pensent qu’insulter et molester les homosexuels est un acte légal puisque des partis homophobes possèdent une légitimité institutionnelle à siéger dans les hémicycles puisque validés et autorisés par le Haut Collège des Lois. La Fédération n’a pas assez légiféré dans la protection des gays, lesbiennes et transgenres en condamnant lourdement tout acte délictueux et criminel contre eux et la PopularrMövijmentzå, seul parti ouvertement gay-friendly, proposera sous peu des textes de loi dans ce sens.
Le militantisme doit s’exposer ailleurs, loin des couloirs des institutions, afin d’avoir le champs libre : liberté d’expression, liberté de revendication et liberté d’action. Et même si la chose politique permet que la parole militante voire activiste soit mieux entendue, il est du devoir des associations, des regroupements citoyens de faire passer le message et aider une meilleure assimilation de la différence pour qu’il n’existe plus de différence. C’est le but premier de la PopularrMövijmentzå que de faciliter à faire passer le message, celui de voir et de juger l’autre, non pas pour sa sexualité, mais pour ses valeurs intrinsèques. Pour que ce message, justement, puisse circuler, se propager dans toutes les couches de la Société, pour qu’il puisse toucher chaque citoyen, la PM avait organisé à Havv, en juin 2008, la première GayStoldh, la « Fierté Gay », grande manifestation dans les rues de la Capitale Générale soutenue par le Conseil Général de l’époque et avec le concours des médias dont la NørdTribůnëe aujourd’hui disparue. Je vais m’employer à relancer la GayStoldh avec l’appui d’autres mouvements politiques et citoyens dont le but est de combattre le rejet et la haine et de défendre la différence sexuelle.
[NDLR: La discussion lancée, la partie de la réponse qui suit est chronologiquement intervenue après la réponse apportée à la question (5). Pour plus de clarté, la rédaction a décidé de regrouper la réponse en un seul bloc uni.]
Si vous me le permettez, je voudrais revenir un instant à vos propos de début de question, lorsque vous me présentiez comme un homosexuel assumé, je n’ai au grand jamais eu la volonté et le désir d’assumer publiquement mon orientation sexuelle, il n’y a jamais eu une quelconque revendication malsaine de ma part car je pars du principe que la sexualité fait partie de la sphère strictement privée et rien ne peut l’aliéner. Ce sont des circonstances difficiles de ma vie, antérieures au Norduryyk, qui m’ont fait l’homme que je suis aujourd’hui, qui ont fait le militant de la cause homosexuelle que l’on connaît. Tout le monde sait que je ne suis qu’une pièce rapportée dans la Fédération, n’étant pas norduryyks de souche, et c’est en 2005 que j’ai déposé une demande d’asile politique aux Autorités Fédérales de l’époque après avoir quitté dans la douleur mon ancienne nation, voisine du Norduryyk. Président d’un parti politique de progrès ayant le vent en poupe, ma réussite a fortement dérangé et déplu à certains mouvements de droite qui, avec la complicité d’un magazine people, ont monté un stratagème pervers pour me faire tomber. Épié et suivi depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines sans doute, des taupes postés autour de mon domicile ont pris des clichés de moi, la nuit, en train d’embrasser un garçon devant le portail de l’immeuble où je résidais. Connaissant parfaitement mes habitudes, en particulier celle de prendre mon petit-déjeuner au café au coin de ma rue avant de me rendre, soit au Parlement, soit à mon activité professionnelle, ils ont mis sur mon chemin un homme qui, au fur des jours, a commencé à me parler, à échanger de plus en plus avec moi, à instaurer une sympathie jusqu’à m’avouer son homosexualité. N’étant pas indifférent à son allure, un matin, au lieu de me rendre au Parlement, je l’ai suivi à son appartement où nous avons eu une relation sexuelle. Les jours ont passé, cet homme ayant complètement disparu de mon quotidien, je ne l’ai plus jamais revu après ce fameux jour. Un matin, en me rendant à mon café habituel, j’ai remarqué le silence de ma concierge lorsque je l’ai salué, la même chose à mon entrée dans le local où les voix de la clientèle se sont tues pour ne laisser place qu’aux chuchotements, et après m’être assis, moi qui privilégiais cet instant de tranquillité pour lire la presse du matin, quel choc violent en prenant le premier journal de la pile et lire en première page « De Belcyne : ses secrets d’alcôve ». Puis, arrivé à la page en question, vous êtes pris de haut-le-cœur et êtes envahi par la colère et la honte, d’abord par l’article lui-même, mais ensuite et surtout par les photos qui l’illustraient, celles de mes ébats sans équivoque aucune avec l’homme rencontré dans ce bar. J’étais bel et bien tombé dans un guet-apens organisé par des individus de la plus haute volée et j’ai su plus tard que l’appartement avait été truffé de caméra pour filmer à mon insu cette intimité violée, les photos ayant été extraites de la vidéo. Au Parlement, mes adversaires politiques exultaient, Belcyne avait été mis à terre. Après, vous comprenez rapidement que vous ne représentez qu’une sexualité différente, une sexualité déviante dans le regard des autres où, au travail, l’on ne voit plus en vous le collègue aux valeurs professionnelles et aux compétences reconnues. Dans les réunions de travail, vous avez droit aux sourires de façade mais dès que vous quittez le bureau, le dos tourné, les sourires forcés ont fait place aux ricanements. Dans le sport, la situation est encore plus problématique et plus violente, vos camarades ne vont pardonneront pas d’avoir été infidèle au pacte de la virilité, celui où l’homme doit préserver et exhiber en toute occasion l’image de la masculinité triomphante sans faille et souveraine car, pour eux, un homme aimant un autre homme n’est plus un homme. Soudain, vous, l’un des éléments-clé d’une équipe, vous qui étiez apprécié pour votre jeu et pour tout ce que vous pouviez apporter de positif à vos camarades pour faire gagner votre club, êtes définitivement exclus de la tribu des hommes, et les insultes et violences homophobes d’aujourd’hui ont remplacé les accolades entre coéquipiers d’autrefois. Comment oublier les coups d’épaule, les coups dans les tibias ou les croche-pieds lors des entraînements pour bien vous faire comprendre qu’on ne vous veut plus au sein du groupe, et au retour aux vestiaires, vous êtes abattu de constater que votre casier a été forcé et que vos affaires et vêtements ont été éparpillés par terre souillés par les crampons et d’autres jetés dans les douches complètement détrempés. Vous tentez de ramasser ce que vous pouvez sans objecter sous les rires et lazzi accompagnés des phrases assassines comme « ça pue le pédé ici, aérez, on va étouffer » ou « les gars, on va aller casser du pédé ce soir, on a déjà une adresse ». C’est à cet instant que j’ai compris que mon outing forcé devait servir à aider ceux qui vivaient aujourd’hui la même détresse, la même honte d’être homo, la même hostilité, la même violence. Pourquoi vous faire ces confidences, je n’ai jamais parlé de tout cela auparavant, gardant au plus profond de mon être toutes ces cicatrices qui, je crois, ne se refermeront jamais. Après ce guet-apens et ses conséquences destructrices sur ma vie, j’avoue avoir pensé au suicide.
Olaf Sårren