Si les Norduryyks, du moins pour les plus au fait de leur histoire, connaissent la position préférentielle de Ryykstadd, no man’s land décrété neutre où se réunissaient les grandes familles de l’ancien Graett-Důkatý fragt Nørdlåndenn, aujourd’hui capitale fédérale, bien peu savent ce qui se passa le 31 décembre 1741 dans la ville Söryykers d’Ålvenstadd. Pourtant, ce jour là, se tint la dernière tentative d’extension territoriale d’une famille au détriment d’un comté voisin, dans l’anonymat d’un traité tenu longtemps secret.
Conscrits et officiers Havvyykers transis de froid sur le chemin du retour de Mäantø
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Le 31 décembre 1741 nous situe exactement quinze jours après la bataille de Mäantø, où la maison des Kråggen (Söryyk) imposa sa domination sur les comtés des familles Börnhovtt (Fiälldyyk) et Pýtærr (Havvyyk). Dans la semaine qui suivit l’éclatante victoire de Håakon Kråggen ogg Söryyk, Ryystadd fut le théâtre de festivités au cours desquelles les grandes familles régnantes firent allégeance au nouveau maître du Grand Duché du Nord et on y travailla en coulisse à organiser le gouvernement du futur Potentat, une monarchie s’annonçant absolue, installant, entre autres choses, le ryyklänk comme langue officielle. La victoire d’Håakon Kråggen était totale bien qu’un temps de deuil d’un mois fut décrété afin d’enterrer les morts. Chaque maison noble paya du prix du sang cette révolution historique préfigurant le modèle Norduryyks, à savoir un État fédérant trois provinces, tiraillé entre les désirs de centralisation et les résurgences identitaires.
Håakon Kråggen rencontra le 31 décembre de la même année son voisin déchu, Gustav Pýtærr ogg Havv, riche comte, grand propriétaire terrien dont les possessions couvraient le pays d’est en ouest, du front marin jusqu’au plus profond des forêts au pied du mont Sønderfjæld. Le baron Elias Kråggen ogg Ålvenstadd, cousin germain du Comte Håakon Kråggen avait toujours considéré comme légitime sa domination sur les terres des abords de l’Ålven cours d’eau traversant le pays en son centre depuis les rives sud du lac KëntųurjåMejrr. Plusieurs baronnies Havvyykers co-existaient alors, dont les maisons de Dörrflýđ et de Wåaldskønn, s’étant nécessairement illustrés à Mäantø avec plus ou moins de bonheur. Sebastian Kheller ogg Dörrflýđ et son fils Angus Kheller ogg Ålven avaient menés la cavalerie des cuirassiers, tandis que Mathias Skæld ogg Wåaldskønn et ses fils tenaient de l’infanterie de marine, ils avaient donc pris une part active aux évènements tout en servant fidèlement le comte dont relevaient leurs honneurs.
Dans ce contexte assez tendu depuis plusieurs générations, il fallait compter avec la mort du jeune Pietr Kråggen, l’aîné d’Elias, alors âgé de 15 ans et servant pour la première fois comme palefrenier avant qu’un boulet n’emporte à l’affection d’un père son fils aimé. Håakon Kråggen était redevable à Elias pour son soutien logistique majeur et la paix venue, les vainqueurs payaient leurs dettes sur les richesses des vaincus. Jusqu’ici les heurts entre barons n’avaient jamais servi que pour laver un affront ou entretenir le moral de troupes le plus souvent mercenaires bien incapable de cohabiter en temps de paix avec la population locale. La guerre était tout autant un mal qu’un remède, il en allait ainsi depuis des siècles et les frontières des trois provinces originelles avaient peu évolué ces dernières décades, chaque comté ayant ses frontières délimitées et respectées. Le Grand Conseil des trois familles régnantes y veillaient jalousement, tant qu’aucune n’avait su prendre le contrôle des deux autres.
C’est au château d’Ålvenstadd à six lieues de la frontière que fut réglée la question des délimitations précises des deux comtés. Lans Börnhovtt ne fut pas convié à ce qui devait être une entente locale, sans aucune espèce de lien avec Fiälldyyk. Il devait inhumer son gendre le baron de Njý et se désintéressa donc des pourparlers entre baronnies et cousinages. Leurs troupes transies par le froid et le gel, une retraite par des terres Söryykers rendue difficile par la surmortalité des blessés, obligèrent les Havvyykers à céder des positions. Il fut acté que Elias Kråggen ogg Ålvenstadd aurait les terres flanquant le cours de l’Ålven jusqu’à mi distance de Dörrflýđ, soit quinze lieues et presque deux milles (75 km), remplaçant les six lieues actuelles (30km), et ce jusqu’aux limites des faubourgs nord de Wåaldskønn. Cette dernière baronnie devait prêter allégeance au Prince Håakon et en retour obtiendrait des terres jusqu’à la Skýv.
Mathias Skæld ogg Wåaldskønn accepta au désarroi de son voisin de Dörrflýđ qui devenait le sacrifié de ce traité, le tribut non négociable d’une paix entre les comtés du Söryyk et de Havvyyk. Le traité fut signé dans la chaleur d’une salle de réception surchauffée par l’immense cheminée de pierre sur laquelle trônaient les armoiries des Kråggen ogg Ålvenstadd. Sebastian Kheller ogg Dörrflýđ fit bonne figure pour ne pas léser son seigneur en s’en retourna dans sa forteresse.
Son fils, Angus Kheller ogg Ålven, dépossédé de par ce traité de son fief, ne pu jamais obtenir une révision du traité auprès du Grand Conseil totalement dominé puis remplacé par le gouvernement monarchique d’Håakon Kråggen ogg Söryyk. Déçu et obligé par le devoir de réserve que lui imposait sa dépendance envers le Comte de Havv, il se jeta de la plus haute tour de Dörrflýđ en 1744, espérant, en vain, attirer l’attention sur un traité que beaucoup de Havvyykers considéraient comme un abandon de la souveraineté comtale face aux Kråggen. Mort sans descendance mâle, il ne laissait qu’une seule fille, Kirsten, âgée de 10 ans. Le baron Sebastian Kheller ogg Dörrflýđ, ne survécut que six mois au chagrin de la perte de son fils unique, ses possessions retombant dans l’escarcelle du Comte de Havv en l’absence d’héritier, la loi Söryykers imposant la primogéniture mâle comme règle exclusive de succession nobiliaire.
Les frontières des provinces depuis ce matin de décembre 1741 sont restées inchangées à ce jour.