Plus que les conquêtes, les batailles et les évènements sanglants, une nation se distingue et dure à travers son essor culturel. Alors que le Norduryyk dans un moyen-âge tumultueux voyaient se détacher peu à peu trois tribus, prémices des trois provinces actuelles que sont Havvyyk, le Söryyk et Fiälldyyk, un personnage romanesque fit des hommes des mers et des agriculteurs des côtes une seule et même entité, poussant ses navires au delà de l’horizon, et donnant aux terres septentrionales du Norduryyk richesses et goût de l’aventure. Chanté par les bardes, mis en poème par les troubadours, la vie de Pierr Hordvaal Pýtærr symbolise la fascination que peuvent porter les hommes à un chef ayant su s’affranchir des frontières connues. Nous vous proposons ici dans une première partie un retour sur sa jeunesse.
Karl Hordvaal, le patriarche
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Pierr Hordvaal ogg Łåndenejndë est né en 1387 dans une ferme côtière proche du bourg de Łåndenejndë. Fils du Hæv (Patois des tribus de la mer, proche du terme Hõv signifiant le chef en vieux Ryyklänk) Karl Hordvaal et de sa second femme Gutråadd, Pierr est un enfant de premier abord chétif et dont les cheveux d’un blond-blanc rappellent les éclairs zébrant le ciel en cette nuit d’orage. En honneur à l’antique culte païen du dieu Pëkr, divinité du Tonnerre et de l’Éclair, il est appelé Pierr et sans le savoir, porte le fardeau d’une difficile succession. Karl est déjà âgé pour un homme de son temps, ses 47 printemps et une stature de géant masquent mal les sévices d’une trentaine d’années de campagnes de pêche, de raids et d’une vie au confort sommaire. Harponneur sur les eaux glacées de la NørdHaav, Commerçant les peaux et le poisson fumé sur le mince marché des ports côtiers, Karl passe désormais ses journées assis sur un trône fait de défenses animales et de bois flotté. Il y rend la justice, rarement convoque le jugement des dieux à travers des duels judiciaires désuets, où seul le premier sang est désormais permis de couler. Aux antiques disputes de clans et de familles générant des vendettas sans fin. La justice privée cédait depuis quelques décennies à une justice du Hæv publique, et aux morts ont succédé le paiement de tribus équivalents aux torts infligés à la victime. Ce prix de l’homme que dans d’autres régions du monde nous nommons Wergeld et dont le terme en Ryyklänk ne nous est pas parvenu avait fait basculer la société des tribus de la mer dans une nouvelle ère que les contemporains peinaient encore à discerner.
Pierr grandit pour devenir un jeune adolescent athlétique et coureur, voguant régulièrement pour le port de kęldt où on ne comptait plus ses escapades dans les bordels et des bouges de marins, bagarreur à l’envie, mutin, jamais avide d’une nouvelle fille du peuple. Réfractaire à l’autorité de son vieux père, il du cependant très vite s’en retourner à des considérations plus terre à terre, quand Karl Hordvaal s’éteignit en 1403. A 16 ans, la couronne d’acier et le glaive de la justice semblait peser une tonne sur ce jeune homme ambitieux mais par trop rêveur. Trois années durant sa mère exerça une forme de pouvoir, un inter-règne, le temps que le jeune Pierr apprenne les us et coutumes de la politique, au coté de son oncle Jans Pýtærr. Vieux bougon craint de ses pairs, Jans fut un guerrier sanguinaire et vicieux, rentré dans les ordres du culte de Pëkr. Mi-druide mi sage, il avait sur le tard fait amende honorable en menant une vie d’ascète discrète, passant son temps dans l’étude des rares écrits fondant le premier âge de la littérature Norduryyks. En son for intérieur, un feu sacré ne s’était jamais éteint, vivace, malin, celui de sa passion pour les voyages, les découvertes et tout en transmettant son savoir d’homme d’expérience, Jans contamina Pierr de ses rêves fous. A la mort de Gutråadd, Pierr Hordvaal était le jeune chef tant attendu, fort, instruit, mais il allait bouleverser les cités du nord au cours d’une Åtzemblyy des principaux chefs de famille de la noblesse du nord, dans un lieu vénéré par les adorateurs des anciens cultes, où de grandes pierres immobiles regardaient les flots de la mer. Les nobles s’entassaient mollement sous de grands chapiteaux de peaux, venus se faire déclarer le montant de l’aide militaire et alimentaire attendu par le clan Hordvaal pour la saison à venir. On en profiterait pour rendre la Haute Justice dans quelques affaires entre nobles.
Présents en nombres les hommes des différents clans assistèrent médusés aux exigences du jeune chef. Il réclama trois années de dîmes d’avance et le prêt de 200 épées et lances pour mener des raids au delà des frontières connues de la NørdHaav, sur la foi de terres aperçues autrefois par plusieurs navires perdus par une tempête. Ces falaises gravées à jamais dans la mémoire du vieux Jans était devenu la quête de Pierr, persuadé qu’au delà de la NørdHaav se trouvait des îles et qui sait, des tribus, des mines, des plaines à cultiver. De telles demandes, au moins excentriques sinon considérées comme un abus de pouvoir d’un gamin dont le trône avait fait perdre toute notion commune, furent rejetées vivement par quelques chefs de famille. Les premiers opposants furent ceux de Dörrflýđ historiquement opposés aux clans côtiers, plus proche des clans d’Ålvenstadd et de Wåaldskønn, dont les intérêts tournaient principalement autour du commerce fluvial et de l’exploitation forestière. On ne compte plus les vengeances privées nées de cet antagonisme et l’occasion était trop belle pour démettre un gosse trop insolent, et pourquoi pas, touché par la folie. Bernd ogg Dörrflýđ, cousin du Hæv local mis en doute ouvertement la santé du jeune Hordvaal, lui reprochant une naissance tardive sous la coupe d’un père impotent et alcoolique. On convint devant les tensions que seul le sang pouvait laver l’injure et Pierr du se prêter à l’antique cérémonie du duel judiciaire, torse nu vêtu d’une braie avec pour seul bijou un torque torsadé au cou. Bernd était un combattant éprouvé, fort et très grand, alors que Pierr, aussi bien forgé était il, lui rendait bien une tête.
Chaque adversaire eu le droit à une hache courte, un bouclier et deux épées. On sacrifia un coq dont on aspergea les combattants du sang et on les laissa une nuit dans une hutte vide, avec pour seul mobilier un repas et un sceau d’eau. Une nuit de prières et de réflexion pour Pierr, une nuit d’un sommeil assuré pour Bernd. Au lever du soleil, se faisant face les deux combattants avaient la possibilité de transiger, la somme étant à l’appréciation de la victime. Pierr refusa par esprit bravache et Bernd n’en fit rien, trop heureux de pouvoir assurer à son clan d’évincer les derniers adversaires au Trône. On donna des offrandes aux dieux, puis on délimita un cercle de 50 pas de diamètre. Les guerriers se placèrent comme un rempart pour la foule, vêtus de leurs plus beaux atours et de leur bouclier. Bernard et Pierr prirent leur hache et s’élancèrent. Les lancers de part et d’autre sifflèrent sans toucher leur cible et Bernd dégainant son épée écrasa d’un coup violent l’umbo central du bouclier vert des Hordvaal. Trois coups plus tard, Pierr jeta le bouclier fendu de part en part et se maintint à distance esquivant les coups du guerrier des Dörrflýđ. Plus grand, avec une meilleure allonge, Bernd était aussi plus lourd et courir après le gamin commençait à le fatiguer. Pierr attendit que le temps et l’âge fit son oeuvre. Bernd en vint à donner des coups avec une plus grande amplitude mais le coup devenait lent, rare. Pierr écouta son ennemi chercher son souffle, la respiration sifflante, les appuis au sol glissant. A chaque entrechoc, il sentait qu’à tout moment ce grand combattant aurait pu le transpercer, mais il lui manquait l’agilité, la patience et surtout, à présent, la lucidité. Le fils du vieux Karl entendit rendre gorge à celui qui avait sali la mémoire de son père et alors que le géant levait une énième fois son bras gauche pour abattre sa lourde épée, Pierr frappa en tranchant à l’aiselle en se projetant sous l’épaule puis se retrouvant derrière son adversaire se retourna prestement et lui fendit le crane jusqu’à la nuque. Bernd s’effondra à genoux, le sang giclant à grands flots sur la terre de la petite arène improvisée. La leçon fut ainsi retenue de ne plus juger le jeune Pierr Hordvaal ogg Łåndenejndë sur la foi de sa jeunesse apparente. On se rangea sous la bannière du jeune chef qui n’humilia pas le clan des Dörrflýđ puisqu’il leur offrit leur place sur son propre navire pour le prochain raid. Sage décision mue secrètement par le conseil avisé des enseignements de Jans, « garde toi de tes ennemis mais tiens les au plus près pour ne jamais les laisser te surprendre« .